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Miser sur l’éclairage : Pau, mode d’emploi.
Jusqu’à 90 % d’économie sur la facture en passant de la lampe à décharge à la LED contrôlée : faire des économies tout en modernisant son éclairage public, c’est possible ! Cette révolution lumière qui transforme le visage nocturne de Pau depuis une décennie est bien sûr le fruit d'orientations politiques stratégiques, mais elle est aussi le résultat de la détermination d’un homme : Jean Bidégaray. Chef du service éclairage public, appelé à Pau "Lumières de Ville", il a su fédérer autour du sujet…si bien que la lumière a fini par s’imposer, à la fois dans les projets d’urbanisme et dans l’identité paloise. François Bayrou, le maire de la ville, affirmait d’ailleurs dans la revue Lux d’avril 2021 que « la lumière fait partie intégrante de cette mise en scène esthétique et artistique » dans le cadre du renouvellement urbain.

Jean Bidégaray © service communication Ville de Pau
Jean Bidégaray nous raconte cette révolution lumière et défend avec force un fonctionnement en régie. Un exemple inspirant pour tous les responsables éclairage public qui ont envie d’agir grâce au levier de l'éclairage.
Pau en quelques chiffres
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80 000 habitants 15 500 points lumineux
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2013 premier plan d’action de sécurité électrique et d’efficience énergétique réalisé en interne (sur un patrimoine de sources à décharge à l'époque)
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2017 Lancement de 3 études stratégiques de planification lumière en collaboration avec des
concepteurs lumière : Charte et plan lumière du centre-ville, Schéma directeur lumière (SDAL) quartier Saragosse (projet ANRU), charte lumière de toute la ville hors centre-ville. -
2020 Renforcement du plan d’action optimisé en interne (Technologie Led + télégestion au
point lumineux ) -
2023 Introduction de la détection de présence étendue à tous les lotissements et voirie de
desserte de la ville avec massification de l’investissement afin de contrer la flambée du cout
du kw/h de la crise énergétique de 2022 et préserver le service aux usagers sans extinction.
Objectifs
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Entre 70 % et 90 % d’économie sur la facture d’électricité liée à l’éclairage public par rapport à la situation initiale
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Un parc 100 % LED en pilotage intelligent en 2028
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Initialement 10,5 millions d’euros investis sur 10 ans


Quartier de la Monnaie à Pau (conception lumière Quartiers lumières) et le pôle d'échange multimodal après le passage en LED © Adrien Basse-Catalinat/ Ville de Pau
Comment cette démarche lumière a-t-elle commencé à Pau ?
Jean Bidégaray : Je suis arrivé au service éclairage public de Pau en 2005 et en ai pris la direction en 2009. À l’époque, l’éclairage était noyé dans la partie voirie, comme une simple composante de l’aménagement. Le sujet a gagné en importance grâce à la rencontre de plusieurs volontés. De mon côté, j’ai lancé un diagnostic du parc d’éclairage de Pau en interne en 2013 pour prendre le pouls de l’installation. Un an après, François Bayrou est devenu maire : il a voulu faire de la lumière un sujet à part entière. Avec cet état d’esprit volontariste, nous avons structuré la réponse du service avec les documents cadres de planification lumière et expérimenté la LED plus prometteuse à partir de 2016. Puis nous avons profondément modifié l'organisation de la rénovation en misant sur les compétences internes, avec l'objectif ambitieux d'équiper l'éclairage public en 100% LED sur une période de 10 ans.
Le service éclairage public s’appuie aujourd’hui sur deux fondamentaux : des documents cadres d’un côté et un système de télégestion de l’autre. Pourquoi ces deux aspects sont-ils si importants ?
Jean Bidégaray : Pour rénover notre parc d’éclairage public, nous avons voulu ne pas avancer à l’aveugle et nous doter de documents-cadres, véritables guides fixant les objectifs et les points à rénover année après année. Nous voulions un vrai projet lumière pour Pau, une cohérence, une qualité des matériaux comme des ambiances lumineuses, conditions préalables à des abaissements en cœur de nuit réussis. Pour ce faire, nous avons élaboré avec les agences de conception lumière CONCEPTO et Luminescence un Schéma directeur d’aménagement lumière (SDAL) pour le centre-ville une charte lumière à l’échelle de toute la commune. L’objectif ? Dessiner le futur visage nocturne de la ville, définir les orientations des mises en lumière architecturales et paysagères, comme les matériaux d’éclairage public.

Extrait de la Charte de l'éclairage de la Ville de Pau (CONCEPTO et Luminescence) prescriptions pour le quartier Saint Joseph / Fouchet © Ville de Pau
Jean Bidégaray : C’est cette charte qui a permis de déterminer 9 zones de cohérence : chaque zone géographique comporte environ 1000 points lumineux à rénover chaque année jusqu’en 2028. Au total, nous aboutissons à un plan de rénovation renforcé en 2020 de 313 armoires, soit 8878 points lumineux pour un investissement à hauteur de 12 000 000 euros en huit ans. Nous nous étions fixé au départ d’engager 1 million d’euros par an, avec une échelle de 10 ans de lissage, mais lorsque la crise énergétique est survenue en 2022, nous avons décidé d’accélérer la cadence, en passant à 1,7 million d’euros annuels pour contenir les effets de la hausse des coûts.
J’en viens à la télégestion. À Pau, nous rénovons tous les points lumineux en installant de la LED, mais nous enrichissons aussi chaque mât d’un petit module de télégestion permettant de contrôler chaque point lumineux à distance via le système filaire. C’est un allié précieux pour faire des économies.
En effet, lorsque l’on passe de la lampe à décharge à la LED, on divise par deux la facture. Mais si on procède à des abaissements grâce à la télégestion, en réduisant le flux de 50 % en cœur de nuit, on gagne encore 20 % : on arrive donc à 70 % d’économie. Allons encore plus loin, avec la détection de présence. Si on installe de la détection de présence, en laissant les lampes à 10 % de leur flux et en faisant remonter celui-ci jusqu’au seuil normatif seulement en cas de passage, on arrive à 90 % d’économie ! Il s’agit là d’une économie mesurée sur les compteurs Linky, pas d’une extrapolation. C’est là que les documents guides sont fondamentaux : ils permettent de déterminer finement les quartiers à abaisser, les rues résidentielles à passer en détection, en fonction des dynamiques urbaines et des usages. À Pau, nous avons fait le choix de ne pas éteindre l’éclairage public pour assurer une continuité de service auprès des habitants. Car une ville qui pratique l’extinction totale sur 5 heures n’économisera pas plus que celle pratiquant un abaissement à 50 % sur dix heures, comme c’est le cas à Pau.


Centre-ville de Pau, quartier de la Monnaie en LED à 100% (à gauche) et après abaissement (à droite) à 50% du flux de 22h à 6h du matin (scénario automne-hiver) © Adrien Basse-Catalinat/ Ville de Pau
Quand tous ces coûts d’investissement vont-ils être amortis ?
Jean Bidégaray : Prenons la zone Saint Joseph-Fouchet identifiée dans la charte, qui a été rénovée en 2024. L’investissement représente 556 401 euros pour 567 points lumineux, soit 84 % d’économie par rapport à une solution en décharge. Il nous faudra 8 ans pour amortir l’investissement. Ce qui signifie également que 1 euro investi permet de faire 5,95 euros d’économie en fonctionnement sur 25 ans d’exploitation.

Extrait du bilan énergétique et financier 2024, quartier Saint Joseph / Fouchet © Ville de Pau
Il faut savoir que le service éclairage communique ces chiffres de manière systématique vers la Direction des services dans les bilans annuels, c’est un sujet à la fois majeur et transparent. C’est la Ville qui assure globalement ces investissements. Néanmoins, en 2024, nous avons obtenu près de 400 000 euros de financement en cumulant le dispositif CEE et le DSIL (Dotation de soutien à l'investissement local).
Combien coûte l’ajout de la télégestion par point lumineux ?
Jean Bidégaray : Le coût dépend totalement de la manière dont est lancé l’appel d’offres. Il est certain que plus le volume est important et plus le prix est intéressant, c’est pourquoi je conseille de viser le regroupement intercommunal pour les petites communes. À Pau, le point lumineux rénové coûte en moyenne entre 800 et 1000 euros, pour le mât et la lanterne, télégestion ou détection incluse.
Comment la télégestion de l’éclairage est-elle gérée à Pau et comment les villes peuvent-elles garder la main sur ces technologies complexes ?
Jean Bidégaray : Nous souhaitions rester indépendants des fabricants de luminaires pour ne pas multiplier les systèmes au fil des marchés et des achats. Nous avons donc choisi de passer par un équipementier dans le cadre d’un appel d’offres : la société Lacroix l’avait initialement remporté. Le service éclairage public est donc capable de piloter n’importe quelle marque de lanterne : c’est nous qui avons posé les bases du système, dans le cahier des charges.

Nous fonctionnons avec une régie interne constituée de 14 personnes, car nous n’avons pas délégué la gestion de l’éclairage à une société extérieure. C’est aussi ce modèle en régie qui nous permet de faire des économies : chaque euro dépensé est un investissement dans du matériel. Cette gestion en interne a bien sûr nécessité de faire monter les agents en compétence et de doter le service d’un matériel informatique puissant.
Module de détection par Lacroix © Lacroix
Quelles sont les prochaines étapes pour Pau ?
Jean Bidégaray : Nous nous sommes jusqu’ici concentrés sur l’éclairage public fonctionnel. En 2026, nous lancerons des propositions pour les mises en lumière architecturales. Un ordre logique puisqu’une façade mise en lumière ne prend sa dimension que si sa toile de fond est propre, l’éclairage public maîtrisé. Néanmoins, nous avons déjà profité des réaménagements urbains pour mettre en lumière le quartier du Hédas et la place de Monnaie, avec la créativité de l’agence Quartiers Lumières.
Un dernier conseil pour les lecteurs de Prismes qui souhaiteraient miser sur l’éclairage public ?
Jean Bidégaray : Mon conseil serait de commencer par maîtriser son parc avant toute chose, c’est-à-dire de réaliser un diagnostic en interne, à son rythme, et de fonctionner si possible en régie. Car personne n’est mieux placé que les agents qui opèrent tous les jours sur place pour faire évoluer un patrimoine d’éclairage !
Pour aller plus loin...
Retrouvez les articles de la revue Lux sur la ville de Pau LUX, 321 novembre-décembre 2024 et LUX, 310, avril 2021 sur :
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