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Crèches, hôpitaux, EHPAD : éclairer pour les publics fragiles.
Nous ne sommes pas égaux face à la perception de la lumière. Certains publics sont plus fragiles : les yeux des bébés sont encore immatures, incapables de filtrer la lumière bleue. D’autres publics souffrent de pathologies oculaires, comme les personnes âgées, souvent atteintes de DMLA. De surcroît, ces personnes fragiles sont peu mobiles : imaginez-vous 20 heures par jour allongé, ébloui par une lumière aveuglante au plafond. Plus qu’un inconfort, une mauvaise installation est synonyme de maltraitance lumineuse.
Des luminaires non adaptés et mal orientés représentent donc un risque sanitaire pour les publics fragiles, la lumière artificielle pouvant créer ou aggraver des pathologies oculaires. Le point avec Marie-Line David, directrice déléguée chez FD Éclairage (appelé également Le Spot français) et Guillaume Picha, dirigeant du groupe TRATO-TLV.


Bébé ébloui dans une crèche, crédits IA Canva et personne âgée dans un établissement de santé, crédits Ridofranz
Protéger les publics fragiles : les normes en question
Il n’existe pas de norme sur laquelle s’appuyer pour se prémunir de la maltraitance lumineuse. Certes la norme européenne EN 62471 en matière de sécurité photobiologique classe les luminaires par catégorie en fonction de risque de lésion oculaire, mais, concrètement, elle ne prend pas en compte les sensibilités spécifiques des yeux fragiles. Et « de toute façon, cette norme ne donne aucune directive qui permettrait de contrecarrer les aberrations lumineuses que l’on croise tous les jours en crèche ou en EHPAD » comme le rappelle Marie-Line David.
Les caractéristiques techniques à favoriser, les aménagements à bannir
En éclairage, l’UGR définit le taux d’éblouissement d’inconfort (Glare Rating en anglais). Ainsi, ce taux varie sur une échelle de 10 à 30. Un UGR égal à 10 correspond à une absence totale d’éblouissement alors qu’un taux proche de 30 correspond à un éblouissement insoutenable. Le taux d’UGR comme les niveaux d’éclairement sont définis dans la norme d’application pour les projets d’éclairage d’intérieur EN 12464-1. Néanmoins, comme le rappelle Marie-Line David « l’UGR indiqué sur le luminaire est calculé pour un adulte debout sous une certaine hauteur sous plafond, et pas du tout pour un bébé dans un berceau ou allongé sur une table de change ».
En outre, l’UGR ne suffit pas pour garantir un confort visuel aux publics fragiles. Dans les maisons de retraite, il est fréquent d’installer des luminaires qui possèdent une grosse surface émettant de la lumière, comme des dalles lumineuses. Ces luminaires « sont très inconfortables pour les personnes atteintes de dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA), aussi il n’est pas rare en maisons de retraite de voir des personnes âgées prendre leur repas avec des lunettes de soleil » !


Personne âgée atteinte de DMLA gênée par le luminaire de la salle de restauration et de sa chambre, crédits : Marie-Line David.
On ne peut donc pas éclairer une école, une crèche ou un EHPAD de la même façon. Avant toute chose, un étude fine des besoins, des usages et des pathologies oculaires est nécessaire. Techniquement, on pourra par exemple « choisir des optiques black light, c’est-à-dire pourvues d’une source lumineuse totalement invisible » qui n’agresseront pas les yeux des personnes souffrant de DMLA. S’agissant des crèches, il est primordial de connaître la place des meubles — les berceaux, la table de change — pour réaliser l’étude d’éclairement et implanter les luminaires.


Les encastrés rectangulaires GREGE de chez FD éclairage, situés au plafond (photo de gauche) produisent un flux sortant de 1400 lumens, alors qu'ils ont l'air éteints. Ils sont bien allumés : des appareils puissants, mais dont la source est totalement masquée. En comparaison, les spots asymétriques ronds (photo de droite) sont beaucoup plus éblouissants. crédits : Marie-Line David, FD Eclairage.
Enfin, ces contextes contraints poussent aussi à l’inventivité « nous avons équipé récemment une crèche en plaçant les luminaires sous les lits. De cette façon, le personnel peut allumer et circuler entre les berceaux sans réveiller les enfants », conclut Marie-Line David.
Le milieu hospitalier, des dispositifs d’éclairage spécifiques
Dans le milieu hospitalier, l’éclairage constitue un enjeu majeur. Dans la chambre, l’unique apport de lumière artificielle passe généralement par un bandeau lumineux situé en tête de lit. Ce bandeau doit assurer trois fonctions : éclairage direct pour la lecture, l’éclairage indirect pour l’ambiance lumineuse générale de la chambre et l’éclairage de veille pour la nuit. Les soins médicaux nécessitent d’obtenir une bonne uniformité et des niveaux lumineux conséquents, sans éblouir pour autant ni le patient ni le soignant. Aussi, quelques fabricants se partagent ce marché spécifique, et notamment TLV Healthcare. Guillaume Picha, dirigeant du groupe TRATO TLV explique : « nous menons un important travail sur la conception optique pour concilier efficacité et confort lumineux. De plus nous proposons de personnaliser les commandes de l’éclairage dans la chambre pour que les usagers puissent allumer les différents types d’éclairage : direct, indirect, éclairage d’ambiance ou de lecture. ». Enfin, ce bandeau est multifonction, puisque en plus de l’éclairage, il porte également les fluides médicaux.


A gauche, produit Fluidys en bandeau de lit avec éclairage TLV Healthcare, à droite tête de lit en bois Goodwood avec applique Lysa et liseuse TLV Healthcare, crédits : TLV Healthcare
S’agissant des blocs opératoires et des plateaux techniques, les luminaires encastrés au plafond bénéficient d’une conception bien particulière : d’une part ils doivent être puissants, de l’autre il doivent être étanches lorsqu’ils sont intégrés au plafond pour des raisons de traitement de l’air au sein du bloc, « nous nous adaptons aux demandes du personnel soignant. Ce sont eux qui valident les installations d’éclairage et expriment parfois des besoins spécifiques, comme le tunable white qui les aident dans l’accomplissement de certains gestes ».
Le point sur le vocabulaire de la lumière...
UGR : La Commission internationale de l’éclairage CIE a défini en 1995 un indice d’éblouissement d’inconfort, en anglais UGR pour Unified glare rating.
Tunable white : Terme anglophone, largement utilisé en éclairage, se traduit par « accordable » ou « réglable ». Le Tunable White désigne un système d’éclairage dont la température de couleur est variable, elle peut ainsi passer d’un blanc froid à un blanc chaud, avec un certain nombre de températures intermédiaires. Cette variation est réglée automatiquement ou manuellement, selon les besoins. On parle également de tonalité variable. Ce système s’utilise aussi bien en intérieur qu’en extérieur et permet notamment de faire varier la température de couleur au fil de la journée, afin d’avoir le moins d’impact possible sur le cycle circadien des usagers.
